Un point de vue critique sur l’extraction des dents de sagesse

Benidorm (Alicante). J'ai remarqué qu'il y a énormement de français qui connaissent Alicante
Bienvenue à wisechoice.dental, mon cher lecteur francophone. Ici, on discutera de tout ce qui concerne les dents de sagesse... sauf de son extraction.
Comme vous le savez sûrement, les troisièmes molaires, ou dents de sagesse, sont les dernières dents qui poussent chez l’homme, en fin d’adolescence ou au début de l’âge adulte, tout au fond de la bouche. Si on cherche des informations en ligne concernant les dents de sagesse, presque tout le contenu qu’on trouvera parle de leurs extractions. Il y a une quantité infinie d'informations par rapport à l’extraction des troisièmes molaires. Également, le monde est plein de dentistes qui sont rapides à les enlever sans réfléchir.
Mais il n’y a presque rien concernant un abordage, un avis et un point de vue différent. Je suis ici, mon cher lecteur, pour vous offrir ce point de vue différent.
D’abord, je me présente : je m’appelle Héctor Rodríguez, et je suis un chirurgien-dentiste espagnol. Je suis originaire de Roquetas de Mar, une ville moyenne sur la côte sud du pays (à 140 kilomètres du Maroc). J’ai fait mes études à l’Université de Grenade, et j’habite et travaille en France depuis 2021. Je fais l’omnipratique (dentisterie générale) chez l’adulte, et l’orthodontie interceptive chez l’enfant. J’ai réalisé ma formation orthodontique à Paris. Depuis mon arrivée en France, j’ai vécu et travaillé en Bretagne, une région de laquelle je suis tombé complètement amoureux. J’adore ses paysages, sa culture régionale (musique, architecture, gastronomie... ), son climat frais qui contraste avec celui que j’ai connu à côté de l’Afrique, et ses gens chaleureux. Je suis fier d’être un « breton adoptif », et j’espère continuer à y vivre et exercer pendant beaucoup d’années.
À mon avis, il y a un énorme vide d’information concernant l’abordage non invasif des dents de sagesse. D’où l’intérêt de lancer ce projet : en tant que chirurgien-dentiste, je me suis aperçu qu’il y a une grande demande d’informations
sur les dents de sagesse... autre que les informations sur son extraction. Ceci est une demande qu'à ma connaissance, aucun autre dentiste actif sur internet n’est en train de couvrir.
Ici, nous parlerons de la conservation des dents de sagesse, du traitement respectueux de ses problèmes, je ferai des critiques à l’extraction non justifiée, et essaierai de discréditer des mythes, légendes et idées incorrectes.
Je ne suis pas un meilleur dentiste que ceux qui recommandent plus souvent l’extraction des dents de sagesse. Comme je dis toujours, la dentisterie est un art : l’art dentaire. Donc, ce n’est pas bien de considérer qu’un dentiste est meilleur qu’un autre. De la même façon qu’on ne peut pas dire que Torcuato Ruiz del Peral était un meilleur sculpteur qu’Yves Collet, par exemple. Mais, précisément pour cette raison, j’ai le droit d'avoir un avis, et vous, mon cher lecteur, avez le droit de le connaître.
Hésitez-vous à vous faire retirer vos dents de sagesse ? Vous avez eu une recommandation d’extraction, et vous n’êtes pas trop sûr de si elle vous convient vraiment ? C’est peut-être pas votre cas, mais le cas de quelqu’un que vous connaissez ? Vous avez des doutes ou des questions en général sur le sujet ? Vous êtes au bon endroit. Si vous dominez la langue de Shakespeare, je vous invite à explorer les autres articles de ce site, où vous trouverez, sûrement, la réponse à vos questions.
Ensuite, je vous présente un résumé en français de ma philosophie.
Le point central est que les dents de sagesse sont des dents complètement normales, et elles doivent être jugées, considérées et traitées exactement comme les autres dents. Elles ne sont pas un dangereux défaut de la nature : elles sont des dents, tout simplement. Cela suffit à comprendre et appliquer correctement cette idée, et le reste de ma philosophie suive logiquement après.
L’extraction préventive des troisièmes molaires est, probablement, la procédure médicale complètement inutile qu’on réalise le plus. Ce problème est particulièrement grave dans certains pays... dont la France. La raison est probablement un mélange d’anciennes habitudes, fausses idées et problèmes de formation. C'est vraiment un « mauvais sens », en opposition au prétendu « bon sens ». Un ennemi typique en médecine et en science, comme Isaac Asimov nous a dit !
Je ne suis pas « contre » l’extraction des dents de sagesse dans tous les cas : évidemment, il y a des cas où elle est parfaitement justifiée. C’est comme pour les autres dents : des fois il faut les enlever. Mais c’est ça : des fois ! Pas systématiquement, pas « presque tout le temps », et pas « par prévention ». Seulement la pathologie peut justifier une extraction dentaire, jamais la prévention. Une extraction préventive est une extraction pas justifiée.
Avoir un manque d’espace n’est pas, par soi même, une justification valide pour l’extraction des dents de sagesse. Un manque de place, comme une « mauvaise position », n’est pas une situation pathologique. L’encombrement des incisives est aussi dû à un manque de place ou à une « mauvaise position », mais on ne recommande pas l’extraction des incisives de travers. Exactement la même logique s’applique aux dents de sagesse impactées (« retenues »), tant qu’elles restent saines et asymptomatiques. Dans la plupart des cas, les dents de sagesse impactées ne provoquent aucun problème, et les cas problématiques sont clairement l’exception. Ce n’est pas risqué de garder à vie une dent de sagesse impactée. Au fait, le risque de la chirurgie est plus élevé que celui de laisser les dents de sagesse asymptomatiques sans extraire. Les risques de l’extraction sont considérables : lésions nerveuses permanentes, des deuxièmes molaires cassées ou des infections très graves, par exemple. On voit souvent des patients âgés qui conservent une ou plusieurs dents de sagesse impactées, sans aucun souci. Et si jamais un souci arrive, ce n’est pas grave : on peut faire l’extraction de la dent de sagesse quand elle est justifiée, quand il y a une raison spécifique (pathologique) pour la faire. Exactement comme pour les autres dents !
À son tour, les cas problématiques de dents de sagesse impactées ne sont pas une situation « magique » où la dent a commencé à faire mal ou s’est infectée sans raison : tout est clairement lié à la santé des gencives. Une dent de sagesse impactée sera souvent en communication avec le reste de la bouche à travers le sulcus gingival (l’espace entre les dents et les gencives), ou sinon, si elle est partiellement sortie ou toujours en train de pousser, elle sera entourée de gencive. Alors, prenez soin de vos gencives, et vous préviendrez les soucis des dents de sagesse. Brossez bien les gencives (pas que les dents) aussi autour les dents de sagesse (si vous fermez un peu la bouche, vous y arriverez plus facilement), passez le fil dentaire, faites votre détartrage régulièrement...
Non, les dents de sagesse ne sont pas capables de décaler les autres dents. Peu importe si vous avez la fameuse « manque de place », si elles sont horizontales ou si vous avez porté des bagues. Les dents, y compris les dents de sagesse, n’ont pas de force quand ils poussent. Le mécanisme d’éruption dentaire n’est pas bien compris, mais c’est assez clair qu’il n’y a pas une force impliquée. La capacité des dents de sagesse de provoquer un encombrement des incisives est une légende urbaine, complètement fausse. Si vous avez l'impression que vos dents ont bougé « à cause des dents de sagesse », soit il n’y a pas eu vraiment d’encombrement, soit une autre chose l’a provoqué. Notamment, une maladie parodontale, ou le fait de ne pas avoir porté une contention après la fin d’un traitement d’orthodontie.
Les dents de sagesse sont souvent utilisées comme des vrais boucs émissaires pour toute une variété de problèmes qu’elles ne provoquent pas. Le plus important, l’encombrement dentaire. J’insiste sur ce sujet, parce que la France semble être un des pays où ce mythe est le plus répandu. Apparemment, il a été appris comme une vérité aux écoles d’orthodontie françaises pendant longtemps. Toujours aujourd’hui, il y a beaucoup de dentistes (omnipraticiens, orthodontistes ou chirurgiens oraux), ainsi que beaucoup de patients, qui y croient. Tous les jours, je fais ma petite partie pour essayer d’éduquer le public.
Il faut aussi faire attention aux mutilations qui arrivent, parce que, des fois, ce n’est pas que les dents de sagesse impactées que les dentistes et chirurgiens les plus proactifs enlèvent : des fois, c’est aussi des dents qui sont PARFAITEMENT ! Parfaitement sorties et participant dans la mastication, ou en train de se développer normalement. Comprenez votre situation, intéressez-vous à votre propre cas clinique, et n’acceptez JAMAIS de vous faire arracher une dent qui est parfaitement.
En relation à cela, particulièrement, faites attention si vous avez eu la recommandation de vous faire retirer les quatre dents de sagesse au même temps. Depuis que j’ai commencé à travailler en tant que dentiste omnipraticien, je n’ai jamais vu un cas d’un patient ayant vraiment besoin de se faire retirer les quatre dents de sagesse au même temps. C’est une situation possible, mais aussi rare. Beaucoup de dentistes recommandent automatiquement l’extraction des quatre, même si c’est que une d’elles qui est problématique, donc faites aussi très attention à cela.
De la même façon, je recommande vivement d’éviter les extractions des dents de sagesse chez les enfants et les jeunes adolescents. À cet âge là, elles ne sont pas trop développées, et la chirurgie est compliquée, très invasive, risquée et simplement injustifiée : seulement la pathologie peut justifier une extraction, alors, comme va une dent qui n'est même pas complètement formée provoquer une pathologie ?
Dans la même ligne, une extraction tardive est souvent une extraction plus simple et moins risquée. Les défenseurs de l’extraction prophylactique souvent disent le contraire, et même le « bon sens » semble indiquer que, chez un patient jeune, la chirurgie ira mieux. Cette façon de penser est inexacte. Par exemple : une dent de sagesse plus formée sera forcément plus facile à enlever qu’une moins formée. Si une dent de sagesse pousse et n’a pas de contact, elle perdra un peu sa de rétention dans l’os, et elle deviendra plus facile à enlever avec le temps, une fois qu’elle sureruptionne (elle sort un peu de l’os). Également, une dent de sagesse avec une inflammation autour d’elle sera plus facile et moins traumatique à retirer qu’une dent de sagesse entourée par un os complètement sain et dur.
Finalement, si une dent de sagesse est vraiment problématique, il y a souvent de façons de la traiter sans l’enlever. L’invasitivé minimale est très importante pour une attention dentaire de qualité, et j’essaye d’appliquer ses principes quand je travaille. Alors, je n’enlèverai pas une dent de sagesse si on peut résoudre ses soucis d’une autre façon. Si elle a une carie, c’est souvent possible de la soigner. Si c’est la gencive qui la couvre qui provoque les soucis, une gingivectomie (couper la gencive) sera plus raisonnable qu’une extraction dentaire. Si elle mâchouille accidentellement la joue, une réduction de cuspides sera à essayer avant de penser à enlever la dent.
La France est un pays qui a énormément contribué à la médecine, à la santé et à la science en général. Le pays de Louis Pasteur ou de Luc Montagnier ! Je rêve, alors, d’un jour où l’abordage des dents de sagesse est majoritairement fondé sur les preuves (en anglais : evidence-based). L’extraction de dents saines et asymptomatiques n’a pas une base scientifique ni clinique solide, et elle doit s’arrêter.
Si vous parlez anglais, je vous invite encore à explorer le reste du site web pour connaître tous ces points plus en profondeur, ainsi que d’autres, sur ce sujet plus ou moins controversé. Vous y trouverez aussi des cas cliniques pertinents. Je vous invite également à jeter un coup d’œil à la section de Ressources, où vous trouverez des guides cliniques et études qui soutiennent ma philosophie. Y compris des guides cliniques de la France et de la Belgique.
Si vous avez des questions ou commentaires, positifs ou négatifs, je vous invite également à me contacter. Je suis à votre disposition, mon cher lecteur. Et si vous souhaitez soutenir ce projet, ainsi que collaborer avec la recherche pour la sclérose latérale amyotrophique en Espagne, vous pouvez faire un don ici.
Pour finir, voici une phrase en breton : Kenavo, ha trugarez ! Qui veut dire, tout simplement : Au revoir, et merci !
Saludos cordales.